dimanche 29 mars 2009

Trois ados sur fond bleu

Certains photographes affectionnent la pellicule et le tirage papier avec beaucoup de nostalgie. Et à force de produire des images "à l'ancienne", ils ne produisent parfois que des images anciennes. C'est un peu ce qui m'est arrivé à Paris récemment : c'est une ville tellement photographiée qu'il est difficile d'éviter l'écueil de la carte postale.

Je ne déteste pas l'effet intemporel du noir et blanc, loin s'en faut. J'ai toujours pensé que le noir et blanc mettait mieux en valeur les visages en photo portrait, par exemple. Mais ces derniers temps j'ai beaucoup utilisé le film diapo Kodak E100G, réputé pour ses tons neutres, et je dois avouer que j'aime ça. Je ne suis pas sûr d'avoir vraiment "l'œil" pour la couleur, et lorsque le boîtier est chargé en couleur je déclenche beaucoup moins facilement.

Avec la couleur, j'essaie de trouver une dominante, voire des échos dans l'image. La couleur peut aussi devenir le fil conducteur d'une série. Je l'ai (re)découvert cette semaine en m'arrêtant photographier quelques ados que j'avais aperçu en passant en voiture devant le portail d'un collège.




Je n'ai pas spécialement de difficultés pour aborder des ados sans les brusquer. Normal : je bosse auprès d'eux tous les jours.


Contrairement au discours qu'on entend souvent, je ne trouve pas spécialement ridicules leurs goûts vestimentaires, bien au contraire. C'est assez sympathique qu'une génération se démarque de la précédente et affirme ses propres codes, même si momentanément toutes les têtes doivent avoir la même mèche et tous les pieds les mêmes baskets. Ce sont des ados. Nous étions ados aussi. Pas plus originaux ni plus beaux.


Rolleiflex 2.8E Planar + Kodak E100G

samedi 21 mars 2009

Trois ou quatre Nantais

Je passe souvent à Nantes en fin de journée, après le boulot. Un appareil photo en bandoulière, le plus souvent un boîtier 6x6. Je croise beaucoup de gens dans la rue qui paraissent intrigués par l'appareil, qu'il s'agisse du Bronica S2A ou du Rolleiflex.

Au Café du Passage que j'affectionne, je tombe sur deux hommes qui me félicitent de photographier avec un Rolleiflex. Ils me racontent qu'ils ont fait du reportage photo il y a longtemps. Ils travaillaient avec des Semflex :
« l'hiver 1/60è et f:5,6, l'été 1/125è et f:8 » Les "vrais" photographes travaillaient au Rolleiflex.

Je croise des gens qui me sourient, des gens qui font les cons pour que je les prenne en photo ; et je joue le jeu. J'aime rencontrer des inconnus dans la rue et taper la discussion pendant quelques minutes. Leur demander leur prénom, me présenter, échanger une poignée de mains, quelques blagues, une tape sur l'épaule. Connivence éphémère mais vraie. Je croise un groupe de mecs Cour des 50 otages. L'un vient vers moi et demande à voir le Bronica. Il me prévient :
« Je veux juste voir ! Arabe, mais pas voleur ! » Un autre se présente : « Prends-moi en photo. Je suis l'Empereur du bitume. ». Et il continue : « Mec, si tu vends ma photo un jour et que tu te fais plein de thune, n'oublie pas de venir dans la rue et d'en redonner à ceux qui en ont besoin. »

Près du quartier Bouffay, je croise une fille accompagnée de deux types qui lui parlent. Comme si elle ne prêtait pas attention à eux, elle m'adresse un grand sourire figé. Je comprends le truc et j'avance et je prends la photo, et on échange juste un rire. Un peu plus loin deux nanas lèchent les vitrines dans la rue des chausseurs. L'une d'entre elle fantasme à fond sur des bottes blanches en simili-cuir. Elles traversent la rue à mon niveau et pendant que la première se colle à la vitrine, l'autre me demande ce que je fais là, et si je suis photographe, et si je bosse avec des modèles. Alors je les prends en photo elles aussi...

Et comme mon Bronica est déglingué depuis quelques temps, j'ai eu des portraits superposés, l'effet est étrange.


Le quartier Bouffay est rempli de restaurants, de cafés et de terrasses qui encombrent ses rues pavées. Je croise Eric qui gratte quelques notes sur son cahier Moleskine.
Malheureusement j'aurais dû faire le point sur ses mains...

Non loin de là se trouvent des halles couvertes où des bouquinistes et des brocanteurs déballent chaque jour. Je croise Jean, ancien professeur d'histoire et chercheur au C.N.R.S. J'ai fait semblant de le prendre pour un bouquiniste, il fait semblant de me prendre pour un étudiant. Nous échangeons quelques propos vaguement nostalgiques autour de l'école.


En repartant parmi les rues sinueuses, je remarque une silhouette débraillée, un visage de clown triste. C'est Joël dit Jojo. Il vit dans les rues de Nantes. Son humeur faussement réjouie me fait penser à Coluche.

Au croisement de la rue Crébillon et de la rue Boileau, j'ai aussi croisé Alain. Il vit depuis 6 ans dans la rue. Six années passées à chercher en vain un emploi. Il en avait un autrefois, mais la boîte a coulé. Alain, ça fait trois ans qu'il n'a pas touché une goutte d'alcool. L'année dernière, il a perdu une quinzaine de copains dans la rue : l'alcool, le froid, la maladie les ont tués. Lui aussi a failli y passer : à l'hôpital, on le lui a dit clairement. Alors finalement il a réussi à arrêter de boire. Ça fait trois semaines qu'il a retrouvé un appartement, et ça change tout : il a réussi à faire des démarches administratives, il n'a pas eu à se préoccuper toute la journée de l'endroit où il allait dormir le soir, ni où se laver, ni où manger. Il a fait des candidatures à droite et à gauche, et puis il a retrouvé un boulot. Dans les espaces verts. Alors il n'en a plus que pour une dizaine de jours à arpenter ce coin de rues où on ne voit que lui depuis six ans. L'orphelin aux cheveux fous, le vagabond à la peau burinée. Alain porte un t-shirt sur lequel on peut lire, ironique :
« Je suis le Saint-Patron. »

La réalité, ce n'est pas de trouver Alain dans la rue et de lui demander un portrait. La réalité, c'est du point de vue d'Alain qu'il faut l'envisager : un type est venu le voir rue Boileau et l'a pris en photo. Et c'était dix jours avant qu'il ne sorte de la rue. Ça fait un souvenir pas commun.


Bronica S2A + Nikkor-P 75mm/2.8
Ilford PANF 50 + Agfa Rodinal

« Ne cherche pas à ce que ce qui arrive arrive comme tu le veux, mais veuille que ce qui arrive arrive comme il arrive. Et tu seras heureux. »
Epictète

mercredi 11 mars 2009

Quelques rencontres à Paris

Dans la rue et sur le Pont des Arts, sous les galeries du Louvre ou bien le long des quais de Seine, quelques rencontres dont je me souviens. Ces photos ont toutes été prises dans l'après-midi du samedi 21 février 2009.

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Dans le quartier de la Madeleine, en direction de la Concorde.
Après avoir remonté lentement le jardin des Tuileries, je tourne autour du Louvre et de ses galeries. En sortant dans les rues avoisinantes, mes pas sont guidés par une odeur de marrons grillés...
Rebroussant chemin, je me dirige à nouveau vers le Pont des Arts. La série faite ce matin m'a laissé très insatisfait. J'ai envie d'aller au devant des passants, des promeneurs.
A l'entrée du Pont, Jean-Marc guette le moment photographique. C'est un habitué du lieu. Pendant que je vide plusieurs rouleaux, il continue de guetter tranquillement. Je me demande s'il a chargé un film.

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Béa me voit aller et venir sur le Pont des Arts depuis quelques temps. Je finis par lui demander un portrait. Elle comprend ma question à travers son casque, inamovible. Après, elle me parle d'un ami à elle, photographe amateur, elle me propose de le rencontrer. Mais je ne suis là que pour la journée.
Sur les quais, tout près, un peintre. Je lui demande une photo. Il lève le pouce pour me dire "seulement une".

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Lorsque je fais du portrait dans la rue, je propose toujours aux gens de leur envoyer la photo par email ou bien en tirage papier. Une fois sur trois ou quatre, la personne accepte de bon cœur la photo mais ne souhaite pas spécialement l'avoir et se voir. C'est le cas de cette jeune touriste londonienne, qui longeait les quais en direction du Louvre, un discret sourire aux lèvres, absorbée par ses pensées.

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Mauro est un réalisateur argentin qui vient de présenter son travail au Centre Pompidou. Lorsque je lui ai envoyé son portrait par email, son retour a été vraiment sympathique. Ça donne envie de continuer comme ça.
Je reprends le métro direction Barbès, puis Montmartre. A la tombée de la nuit, la foule est dense au pied de la butte. Tout le quartier est éclairée par une seule enseigne : "SYMPA", des fripes en vrac sous les néons. Drôle d'ambiance. Au retour, des musiciens montent juste sous mon nez. Un signe de tête m'autorise à les prendre en photo. Tous secoués. "The night has a thousand eyes", le thème de Sonny Rollins résonne encore dans mes oreilles alors que je remonte les couloirs vers la sortie. Je repense à ces lignes de Céline qui comparait son écriture à la progression d'une rame de métro.

Matériel : Kowa Six + 55mm/3.5
Divers films N&B + Agfa Rodinal

mardi 10 mars 2009

Le Pont des Arts

Il y a 3 semaines, j'ai eu le plaisir de retourner à Paris (presque) dans le seul but de faire des photos. Après une matinée peu productive, à pester contre les Parisiens qui tirent tout le temps la gueule, je me suis mis un coup de pied où je pense et je me suis forcé à rentabiliser un peu le déplacement...

Le Pont des Arts a été l'objet ou plutôt le lieu d'une série au Kowa Six + 55mm/3.5, avec divers films en magasin pour tenter de tirer profit de la luminosité grisâtre et du ciel pisseux.



... to be continued...