dimanche 23 janvier 2011

Un certain gris

Depuis quelques temps j'essaie d'améliorer mon noir et blanc. Je veux qu'il soit moins contrasté que ce que j'ai fait jusqu'ici. On m'a dit que sur un beau tirage noir et blanc, l'écart entre la valeur la plus claire et la valeur la plus foncée doit non pas être maximal, mais minimal. Tout en permettant à l'image d'être parfaitement lisible, bien entendu.

Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'essaye. Je peaufine mon exposition lors de la prise de vue, j'essaie d'être moins brutal et moins approximatif au développement, j'ai décoché les rares automatismes qui me restaient au moment du scan de mes négatifs. Sous Gimp, je ne touche plus à rien : tout est brut de scan.

Brute de scan, par exemple, ma série "Sardinier" que certains parmi vous trouvent trop contrastée alors qu'elle ne l'est pas pour moi (je vous inviterai bientôt à l'exposition d'une dizaine de tirages 30x45, ceux qui viendront verront... ). C'est simplement du film 400ISO (HP5+) poussé à 1600ISO pour les besoins propres à la photo de nuit. Ces derniers temps, j'essaie plutôt de surexposer mes films d'un diaph et de les développer à leur sensibilité normale. Je le faisais déjà pour les films diapo depuis pas mal de temps, mais à présent je le fais aussi pour le NB.

Je suis partisan d'exposer au pifomètre en 6x6 : je prends une valeur à l'ombre, une autre au soleil au début de ma balade et après je me débrouille. Par contre en 24x36, une exposition juste peut vraiment faire toute la différence sur un cliché. Du coup, je fais de plus en plus attention à la justesse et aux failles éventuelles des cellules embarquées dans mes boîtiers 24x36 : Minolta CLE, Zeiss Ikon ZM, Konica Hexar.


Konica Hexar RF + Tanaka Kogaku Tanar 50/2 - TMax @400ISO
Agfa Rodinal 1+50
avril 2009


Konica Hexar RF + Serenar 50/1.9 rentrant - FP4+ @125ISO en pose B
Agfa Rodinal 1+50
juillet 2009

Konica Hexar (35/2 @f/2.8) - Tri-X @400ISO
Kodak D-76 stock
décembre 2010


Ces photos ne sont pas des "exemples" à proprement parler mais simplement des "épreuves" qui me servent à étalonner mon noir et blanc. Les nuances de gris que je recherche n'existent peut-être pas. Le sentiment de "justesse" est difficile à passer en mots. Les goûts et les couleurs, dit-on, ne se discutent pas.




Minolta CLE + M-Rokkor 40/2 - TMax @100ISO
Ilford Ilfotec LC29 1+19
février 2010



Zeiss Ikon ZM + Canon 35/1.5 LTM - TMax @100ISO
Ilford Ilfotec LC29 1+19
février 2010

dimanche 2 janvier 2011

Quatre bords

J'ai mis la période des fêtes à profit pour lire plusieurs livres de photos, dont la plupart m'ont été offerts. L'un d'entre eux est le catalogue de l'exposition Willy Ronis qui s'est tenue à Paris l'été dernier en hommage au photographe disparu le 11 septembre 2009.

Pas mal de clichés circulent autour de Willy Ronis, qui a pourtant noirci bon nombre de pages pour s'expliquer, raconter sa vie, son œuvre et ses images. Je vous avais
déjà parlé de son livre Ce jour-là paru dans la collection Folio. Une idée très répandue est que Ronis ne prêtait pas très attention au matériel photo et que, d'ailleurs, il aurait utilisé le même appareil toute sa vie, ou peut s'en faut. En lisant les textes regroupés ici, c'est presque l'inverse ! D'abord parce que Willy a grandi et travaillé dans le magasin photo de son père, et qu'à ce titre on lui a offert son premier appareil avant son premier violon (sa mère enseignait le piano). Ensuite parce que, reprenant l'affaire (mauvaise) de son père dès 1936, soit à 23 ans, Willy Ronis a dû liquider le magasin quelques années plus tard mais en se gardant plusieurs appareils allant de la chambre 8x10 au folding Zeiss Ikonta.

Plus tard, Ronis acquiert un Rolleiflex, puis un second et s'en sert aussi bien pour ses photos "sur le vif" dans la rue, que pour des portraits posés d'amis ou de célébrités et pour ses commandes, mariages, reportages, etc. Beaucoup d'entre vous connaissent l'épisode suivant : l'achat d'un système télémétrique de fabrication française, le Foca. Et plus tard le système reflex Pentax, toujours en 24x36.

Pas besoin de vous expliquer l'intérêt
que j'ai trouvé au passage qui suit... ni l'énervement qui s'en est suivi, dans lequel je suis encore à l'heure où j'écris ces lignes au lieu d'aller chercher le sommeil...

« Fin 1954. Une étape décisive. Plusieurs fois houspillé, et par Chim* et par Cartier-Bresson, j'abandonne le 6 x 6 pour le petit format. Mes photos ne deviennent pas meilleures, mais j'acquiers par force une rigueur de la composition cliché plein (ou à peu près) beaucoup plus satisfaisante pour l'esprit. Avec le 6 x 6, je n'utilisais pas une fois sur cent la totalité du format carré. Mon appareil à objectif fixe me contraignait régulièrement à rogner soit en hauteur, soit en largeur, soit même sur les quatre bords. Au fond, je ne l'ai compris qu'après, c'était mutilant. La décision fut dure à prendre (incorrigible sentimental). Durant les dix années écoulées, et pendant deux ans avant la guerre, mon Rollei m'avait permis de subsister, et pas moi tout seul. Mais aussitôt le pas franchi, je l'oubliai (je
les oubliai, car j'en avais un second pour la couleur depuis 1946) et je ne m'en servis plus que deux ou trois fois, pour la mode, dans le studio de Vogue.
J'avais trois boîtiers, cinq objectifs. C'était un bonheur aussi grand que le jour de mes 12 ans, quand mon père m'avait offert mon premier Meccano.
»

Willy RONIS, cité dans
Une poétique de l'engagement,
catalogue de l'exposition Jeu de Paume / Monnaie de Paris 2010
* surnom de David Seymour, ami de Willy Ronis et co-fondateur de l'agence Magnum
avec Robert Capa et Henri Cartier-Bresson (merci Didier pour la correction du 3/01/2011).

Mutilant, le 6 x 6 du Rollei ? Grrr, j'ai déjà entendu ça, mais...

Juillet 2009
Rolleiflex 2.8E Planar
HP5+ & Agfa Rodinal

Je vous souhaite les plus belles photos possibles pour l'année 2 o 1 1 qui commence. Faites-vous plaisir entre les quatre bords et au-delà ; variez les formats tant que vous voudrez mais ne rognez pas votre envie de photographier...